Le blog de Jacqueline Peker : littérature, homéopathie, animaux, musique

Jean Ferraton, Saint-Flour, les Salers…


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Il y a quelques mois, Henry-Noël Ferraton m’a fait savoir qu’il était en train d’écrire un livre sur son père, Jean, mon premier « patron » à ma sortie d’Alfort, en septembre 1963. Il tenait à me faire lire, et si besoin est corriger, le chapitre qui me concernait.

Le souvenir du Cantal ne m’a jamais quittée. Mille petits détails me font revivre ces mois qui m’ont appris à comprendre ce métier et à l’aimer passionnément. Les animaux ne permettent pas l’indifférence ou l’hésitation aussi partions-nous tous les matins, à 6heures, sur les routes enneigées. J’aimais mon petit café arrosé, chez Migne, au tabac du Faubourg. Quand il faisait – 15°, je me réchauffais les doigts en roulant une cigarette. Aujourd’hui encore une tranche de pain grillé, un morceau de Cantal, une omelette aux cèpes…et j’ai tellement envie de caresser le museau humide d’une vache Salers.

« URGENT : Jean Ferraton, vétérinaire à Saint-Flour, cherche A.L.D ». On ne précisait pas « une » ou « un » aide longue durée. J’ai envoyé un télégramme sans précision : « ALD – OK – J’arrive. J.Peker ».

J’ai jeté dans une valise tous les pantalons que je possédais, les chemisiers en coton, les pulls, les bottes et, au volant de mon Ondine Gordini, j’ai pris la route de Saint-Flour.

A Issoire, ma gorge s’est serrée. Une fille, vétérinaire depuis un mois, sans thèse, sans expérience, 1m57 tout juste…et si on me conseille de retourner en ville soigner des caniches…qu’est-ce que je fais ?

Il était 20H. quand j’ai sonné au portail. Les Ferraton, Jean et Chantal et les petits, m’attendaient en haut des marches du perron. Qui a éclaté de rire ? eux ? moi ? Quelques minutes plus tard j’avais embrassé tout le monde, y compris la gouvernante et Pojolat, le chauffeur. Ma chambre était claire, calme, un peu dépouillée mais on attendait un aide de sexe masculin !

Déjà je faisais partie de la famille.

Le lendemain matin, j’étais sur le terrain. Ferraton était associé à Gazal. A eux deux, ils  géraient plus de 30.000 vaches, des moutons, des porcs, des chèvres, des chevaux de trait…Les paysans les adoraient et presque immédiatement, comme par miracle, ils m’ont accordé toute leur confiance. Très vite, ils ont compris que mes petites mains facilitaient bien des mise-bas. Alors au téléphone quand il y avait urgence, ils précisaient : « envoyez-nous la fille ». Ferraton, en novembre 1963, m’a autorisée à faire la première césarienne. J’ai opéré la vache debout après avoir pratiqué une anesthésie péridurale. Le veau était énorme…une jolie femelle qui s’est appelée Jacqueline et dont la carrière a été plus longue que la mienne.

Du livre de Henry-Noël, je n’ai lu que ce qui me concerne. Par ce billet, j’ai décidé de vous présenter son projet. Vous pouvez, soit en apprendre un peu plus sur le site, soit le commander.

Les vétérinaires de cette époque ne vivaient que pour leur métier. La France était encore un pays agricole. Chaque région possédait une race dont les qualités étaient fonction du terrain, du mode de vie, de l’alimentation…Qui aurait osé parler de farines d’origine animale, de traitements chimiques mal maitrisés ? Les animaux étaient aimés et respectés et on ne jetait pas une vingtaine de porcs dans une camionnette minuscule pour les conduire à l’abattoir.

Je suis retournée en pèlerinage dans cette région qui a su me faire confiance. J’ai marché dans Saint-Flour, bu un café chez Albisson du Bout du Monde, retrouvé quelques vaches et quelques fermes…

Je suis restée un long moment à regarder les montagnes.

C’est très difficile de reconstruire son passé. Le mien est un puzzle dont j’ai perdu de nombreuses pièces.  Aussi je m’efforce de retrouver des couleurs, des bruits, des odeurs et, plus que tout, le regard des vaches Salers qui reste encore une bien douce source de tendresse.

« Le Château de la Fièvre Aphteuse »

Henry-Noël Ferraton

rinou.fr/index.htm

2 commentaires

  1. Merci Jacqueline pour ce beau billet plein de tendresse et de vérité. Le premier commentaire, à 10H10, de Louise, dit  » je suis émue ». Moi aussi, en vous lisant.

    Merci et à bientôt

    Henry Noël FERRATON

    • Louise sur 6 mai 2012 à 14:28

    Je suis très émue par cette note!
    je vous embrasse

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