Le blog de Jacqueline Peker : littérature, homéopathie, animaux, musique

« Bon anniversaire, Ghislaine »

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Comment vous expliquer, comment m’expliquer à moi-même, que depuis 1968, mon premier appel, tous les 30 juin, au petit matin, aura été pour Ghislaine et que demain matin, je n’aurai personne à appeler.

Le lendemain matin,  1er juillet, c’est elle qui appelait. Il m’est arrivé d’être à l’autre bout du monde, mais, toujours elle trouvait l’hôtel, la salle de conférence, l’aéroport, le train… Comme nous étions toutes les deux mordues des cartes postales, on pouvait compléter nos appels par des petits cadeaux. Puis nous avons fouillé Google et trouvé les cartes parlantes ou chantantes.

Ghislaine, vous avez toujours eu un peu d’avance sur moi, mais nous en avons fait du chemin ensemble. Vous avez participé à toute ma vie professionnelle : l’industrie puis mon installation à Paris, la préparation de mes conférences, de mes émissions de radio ou de télévision, mes livres…Vous avez mis sur le papier puis sur les disquettes, puis sur les disques durs, des millions de mots. Comment vais-je publier les billets de mon blog sans vos corrections ? « Vous avez oublié un mot, trois virgules… » Qui va me rappeler mon mépris des virgules ?

Vous, qui aimiez tant les animaux, vous avez aussi partagé ma vie de vétérinaire. Vous avez assisté aux consultations et les clients aimaient vous confier leurs peurs et leurs problèmes. Vous étiez ma secrétaire et le meilleur de tous les agendas. Ma découverte de l’informatique, là aujourd’hui, me rapproche de vous…comme je crois bien que je n’oserai plus jamais affronter une boite de chocolats sans imaginer notre gourmandise à toutes les deux.

Suky, Jibus, Lola, Plick, Plock, Margot, Milord…vos animaux, mes animaux, nos animaux…Que de joies, que de chagrins mais toujours  partagés.

Mais vous avez aussi partagé ma vie personnelle. Mes parents vous adoraient. Vous avez suivi ma mère jusqu’au crématorium du Père-Lachaise, vous qui aviez si peur de la mort et de tout ce qu’elle exige. Vous me demandiez sans cesse des nouvelles d’Hélène et de tous mes amis que vous aviez rencontrés.

Mai 1968. Je m’installe au 3ème étage, du 262 faubourg Saint-Martin. Au second, il y a un médecin, Lucien Binés. Nos pères ont joué ensemble, autour des Buttes-Chaumont, bien avant la guerre. On s’embrasse, on laisse couler quelques larmes, on fait la fête et on associe la jeune Ghislaine à nos souvenirs.

Pendant l’hiver, je les emmène acheter leur premier chien qui, quelques années plus tard, deviendra la mère adoptive de mon Jibus.

Nous avons vraiment tout partagé et, nous étions même si fières de la constance de notre amitié, qu’en 2008, nous avons invité quarante de nos amis communs, pour fêter ces quarante années exceptionnelles.

Puis Lucien est parti, puis Monique Mélinand, puis Henri Amouroux, puis Hélène…Mais vous Ghislaine, qui n’aviez jamais été malade, comment est-ce possible que vous soyez partie sans rien dire ? La mort vous a pourtant comblée en ne vous obligeant pas à supporter la maladie.

Demain matin je sais que je vais devoir ignorer mon téléphone.  Je vais regarder quelques enluminures, écouter Cécilia Bartoli, mettre un peu d’ordre dans ma bibliothèque…et pourquoi pas, vers midi, aller manger une salade au « DS café » de l’avenue Niel, tout ce que vous aimiez…

Ghislaine, avec des gens comme vous, on peut toujours tout revivre.

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