Le cerveau des singes ne vieillit pas…

Il m’aura fallu trois semaines pour trouver un singe acceptant de me céder sa machine à penser, et plus d’un mois pour m’adapter au changement.

J’ai fait confiance à une très récente étude de l’Académie américaine des Sciences qui affirmait que le cerveau humain, plus gros que celui de nos cousins, consommait trop d’énergie et, que cela provoquait des altérations irréversibles. Ces chercheurs ont affirmé que notre cerveau perdait du poids et donc refusait de traiter les informations. En 75 ans, je n’ai pas eu de gros problèmes…un petit AVC, des trous de mémoire, des refus de regarder le monde en face, une tendance à soupirer en parlant du passé…Donc ma décision a été vite prise.

Le donneur, vivant en captivité, doit « se la couler douce » avec son cerveau de vieille dame de 75 ans, un peu grognon, parfois agressive et passer son temps à déguster des sucreries…mais, ce n’est plus vraiment mon problème.

Avec mon cerveau de singe, qui n’a pas subi pas les méfaits du vieillissement, je me sens transformée, un peu trop « cool »…mais assez bien réactive.

Je suis partie douze jours en Toscane. J’ai retrouvé la mer, les plages, les glaces à la cerise, les salades à l’huile d’olive, avec de vraies tomates, les gambas grillées, les pâtes avec du parmesan, les tranches de pain trempées dans le pesto…et l’envie de rire.

Mon vieux cerveau meurtri, intoxiqué n’acceptait plus les dépaysements mais le petit nouveau s’est éclaté en regardant les vignes, les arbres centenaires, les lauriers multicolores, les maisons souriantes et fleuries.

J’ai eu comme l’impression de ne m’intéresser qu’aux autres, oubliant parfois de dire « je ».

Mon cerveau de singe va-t-il me forcer à être calme…à me poser sur une pierre pour déguster une banane, à écouter en riant les âneries des hommes, à chasser le stress et à mettre hors service ma pompe à adrénaline ?

Je n’ai pas observé la moindre diminution de mes facultés intellectuelles. J’ai acheté des fleurs, des plantes, des pots en terre, du terreau et j’ai jardiné pendant des heures. J’écoute toujours de la musique classique mais j’ai retrouvé le goût du jazz et les chansons de Barbara.

J’ai installé mes stylos, mes cahiers et l’envie d’écrire est là, enfin.

Dois-je prendre contact avec cette équipe de chercheurs américains qui a bouleversé ma vie ? Je pense que ce changement doit rester entre nous (mes lecteurs seuls seront informés).

Ce qui me contrarie, c’est de savoir que quelque part vit un singe, avec mon vieux cerveau…Il a certainement compris que la Planète des Hommes ne méritent pas le détour.